catastrophe de courrieres

Publié le par ariane

Catastrophe de Courrières
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Le 10 mars 1906 a eu lieu la plus importante catastrophe minière d'Europe (officiellement 1099 morts), dite catastrophe de Courrières du nom de la Compagnie des mines de Courrières qui exploitait alors le gisement de charbon du Pas-de-Calais aux alentours de Courrières, à côté de Lens. Ce gisement fournissait alors 7% de la production nationale de charbon.

La catastrophe provoqua une crise politique et un mouvement social qui déboucha sur l'instauration du repos hebdomadaire.

Sommaire

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La catastrophe [modifier]

Les fosses de la compagnie des mines de Courrières, ouvertes sous le Second Empire, présentent d'importantes veines de charbon gras, et l'essentiel du travail d'abattage s'effectue à un niveau compris entre 326 et 340 mètres.

A 6 h 34, le samedi 10 mars 1906, un « coup de poussière » d'une rare violence ravage en quelques secondes 110 kilomètres de galeries communes aux trois fosses et situées sur les territoires de Billy-Montigny (fosse 2 dite Auguste Lavaurs), Méricourt (fosse 3 dite Lavaleresse), Noyelles-sous-Lens et Sallaumines (fosse 4 dite Sainte-Barbe). Il a probablement été déclenché par un coup de grisou dû à l'utilisation de lampes à feu nu.

Contrairement à ce que l'on a longtemps pensé, l'incendie qui s'était déclenché les jours précédents n'en serait pas directement la cause bien qu'il ait largement contribué à dégrader les conditions de travail au fond (gaz toxiques) et donc à augmenter la mortalité. En effet, le 7 mars, un feu avait été découvert dans l’une des veines de la fosse de Méricourt. Les ingénieurs et les chefs porions décident d’édifier des barrages pour l’étouffer. Pierre Simon, un délégué-mineur, demande à ce que personne ne descende tant que le feu ne sera pas éteint, mais son avis n'a pas été suivi.

Bilan humain et polémique sur les secours [modifier]

L'accident fit officiellement 1 099 morts sur près de 1 800 mineurs descendus ce jour-là, mais le bilan réel est probablement supérieur en raison de la présence de travailleurs « irréguliers » dont le décès n'a pas été imputé à cet accident. Pris au piège, la plupart des ouvriers sont morts asphyxiés ou brûlés par les nuées ardentes de gaz toxique. En fin de journée, seulement 576 mineurs arrivent à s'échapper de la catastrophe. À ce bilan doit encore être ajouté le décès d'au moins 16 sauveteurs qui interviennent dans des conditions de sécurité et d'hygiène précaires[1].

La polémique vient du fait que le grand nombre de victimes soit dû en grande partie à l'obstination de la compagnie minière à poursuivre l'exploitation alors qu'au fond un incendie n'avait pas encore été complètement maîtrisé et que des fumées et gaz toxiques remplissaient encore les galeries. Mais il y aurait aussi eu probablement moins de morts si les recherches n'avaient pas été arrêtées dès le troisième jour et si une partie de la mine n'avait pas été murée, sur ordre de l'ingénieur général Delafond, pour étouffer l'incendie et préserver le gisement.

La gestion de la crise par la compagnie minière fut particulièrement mal vécue par les mineurs et par leurs familles. La compagnie fut accusée d'avoir fait passer la sécurité des mineurs après la protection des infrastructures en particulier en prenant la décision de murer les galeries et d'inverser l'aérage pour extraire la fumée et étouffer l'incendie au lieu de faciliter le travail des sauveteurs en leur envoyant de l'air frais. De plus, les trois premiers jours, les corps extraits de la mine ne furent pas présentés aux familles pour identification. Quand celle-ci devint possible, elle ne fut ouverte qu’un jour : les familles durent ainsi passer en une journée devant les mille corps pour identifier leurs proches. Aucun responsable de la mine, ni aucun fonctionnaire ne donna non plus d’informations aux familles. Enfin, les veuves furent chassées des corons (logements de fonction des mineurs).[réf. nécessaire]

Le 30 mars, soit vingt jours après l'explosion, treize rescapés réussirent à retrouver le jour par leurs propres moyens après avoir erré dans le noir total sur des kilomètres, mangeant le peu qu'ils trouvaient, y compris de l'avoine et un cheval qu'ils ont abattus à coups de pic. Un quatorzième survivant, Auguste Berton, fut retrouvé le 4 avril, grâce à l'aide d'une équipe de secouristes allemands qui avaient offert spontanément leur aide et apporté les appareils respiratoires qui faisaient défaut aux compagnies minières locales. Il avait erré 24 jours à plus de 300 mètres de profondeur.

Lorsque les sauveteurs allemands arrivèrent, les recherches étaient déjà abandonnées. De plus, ils furent accueillis avec hostilité alors que se déroulait la crise franco-allemande au Maroc.

Répercussion politique et sociale [modifier]

L'émotion qui s'ensuivit, et la polémique sur la gestion des secours, sont à l'origine d'un vaste mouvement de grève. Le 13 mars, lors des obsèques des premières victimes, à la fosse commune de Billy-Montigny, sous une tempête de neige, en présence de 15 000 personnes, le directeur de la compagnie est accueilli par des huées et des « assassins ! » et doit rapidement partir ; la foule scande « Vive la révolution ! Vive la grève ! ». Le lendemain, les mineurs refusent de redescendre au fond. Les syndicats appellent à une grève qui s'étend aux puits environnants. Le mouvement s'étend à tous les bassins miniers français et se développe jusque dans le Borinage, en Belgique. Le 16 mars, 25 000 ouvriers sont en grève, chiffre qui monte même à 60 000. Les incidents se multiplient entre grévistes et non-grévistes, mais aussi entre les partisans du "Vieux Syndicat" mené par Émile Basly et le "Jeune Syndicat", affilié à la CGT et mené par Benoît Broutchoux. Face aux mineurs en colère, Georges Clemenceau, alors Ministre de l'Intérieur, mobilise 30 000 gendarmes et soldats et envoie treize trains de renforts militaires[2]. De nombreuses arrestations ont lieu.

La colère des mineurs est renforcée par la découverte tardive de rescapés. Le 30 mars, soit 20 jours après l'explosion, 13 mineurs ressortent de la fosse numéro 2. Le 4 avril, un quatorzième mineur remonte encore de la fosse numéro 4 de Sallaumines. Les secours ont manifestement été abandonnés trop tôt et la Compagnie de Courrières est accusée de vouloir enterrer vivantes les victimes. La grève se durcit et un officier de l'armée est tué le 23 avril. À la fin du mois, malgré la répression et le manque d'argent des familles des mineurs, le patronat concède des augmentations de salaires. Le travail reprend début mai.

Cette catastrophe a suscité un élan de générosité sans précédent en France et en Europe et 6,5 millions de francs-or sont collectés. La compagnie minière elle-même donne 2,2 millions de francs aux ayants droit et verse des rentes annuelles de l'ordre de 500 000 francs aux familles.

Le mouvement social issu de la catastrophe débouche sur l'instauration du repos hebdomadaire. À partir de cette époque, les lampes à feu nu sont bannies au profit des lampes dites de sûreté (lampes Davy). En 1907, le premier poste central de secours du bassin Nord-Pas-de-Calais est créé à Liévin (il sera transféré à Éleu-dit-Leauwette après sa destruction pendant la Première Guerre mondiale). On y forme des équipes spécialisées de sauveteurs et on y étudie les risques dus au grisou et aux poussières. En 1910, apparait le marteau-piqueur qui augmente le rendement mais aussi la quantité de poussières avec les risques d'explosion et de maladie (silicose) qui en découlent...

Commémoration [modifier]

La nécropole de Méricourt abrite dans une fosse commune (le « silo ») les corps de 272 mineurs non identifiés. Un monument commémoratif y a été édifié ; un autre rappelle la catastrophe survenue dans la ville voisine de Fouquières-lez-Lens le 4 février 1970. À l'occasion du centième anniversaire de la catastrophe de 1906, la Communaupole de Lens-Liévin a aménagé un « parcours des rescapés » entre la nécropole et l'emplacement de l'ancienne fosse de 2 de Billy-Montigny où 13 survivants ont rejoint le jour, 17 jours après l'arrêt des recherches. Cet aménagement d'un kilomètre de long comprend 21 Chevalets sur lesquels sont relatés le quotidien et les événements qui suivirent en surface et la survie des rescapés en sous face. La création de cet aménagement a été conçu par Territoires, Sites et Cités-paysagistes, Vrignaud Nicolas & Louazon Jean-Marc - scénographes.

Wikinews propose des actualités concernant « la commémoration du centenaire de la catastrophe de 1906 ».

Wikimedia Commons propose des documents multimédia libres sur la catastrophe du 10 mars 1906.

La nécropole (le « silo ») de Méricourt
Inauguration du « parcours des rescapés » vers la fosse 2 de Billy-Montigny

Divers [modifier]

Le dernier survivant des quatorze rescapés de la catastrophe, s'appelait Honoré Couplet et est décédé en 1977 à l'âge de 91 ans. Parmi les rescapés deux d'entre eux continuèrent à travailler à la mine durant quarante-deux et quarante-cinq ans, car c'était leur seul gagne-pain.

La catastrophe a eu lieu vingt ans après la première parution du roman Germinal d'Émile Zola.

La Poste française a mis en vente le 6 mars 2006 un timbre d'une valeur de 0,53 € commémorant le souvenir de cette catastrophe. Au format vertical de 30x40 mm, il a été dessiné par Paul Véret-Lemarinier d'après une œuvre de Lucien Jonas (1880-1947) et représente un mineur agenouillé avec une lampe à la main et une barrette (chapeau en cuir alors porté dans les mines) sur la tête. Il est imprimé en héliogravure par feuille de 48 timbres.

Du 9 au 11 octobre 2006 a été organisé au centre historique minier du Nord-Pas-de-Calais à Lewarde un colloque international sur la catastrophe et ses conséquences ainsi qu'une double exposition sur Courrières et Marcinelle qui se déroule jusqu'au 7 janvier 2007.

Après la catastrophe, la langue française s'est enrichie d'un mot nouveau d'origine picarde : rescapé, même sens que le français réchappé.

Notes et références [modifier]

  1. fumées et gaz d'incendie, corps en décomposition et invasion de mouches (Denis Varaschin, 2006)
  2. Le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais est quadrillé par les militaires, soldats et gendarmes, avec un rapport de force d'un soldat pour trois mineurs (Denis Varachin, 2006)

Bibliographie [modifier]

  • Denis Varaschin, « 1906 : catastrophe dans les mines de Courrières », L'Histoire, n°306, février 2006, pages 60 à 65, ISSN 0182-2411.
  • Collectif, « La Catastrophe des mines de Courrières », éditions L'Œil d'Or, 2006 (reprise des témoignages des 14 rescapés), ISBN : 2-913661-22-X.
  • Gérard Dumont (collectif), « 10 mars 1906, Compagnie de Courrières » éditeur : Centre historique minier du Nord-Pas-de-Calais.
  • Jean-Daniel Baltassat : « Les roses noires », Editions XO sous le pseudonyme de A.B. Daniel. Sorti le 26/02/2007.
  • Film français de Claude Berri, 1993, "Germinal", adaptation de l'oeuvre d'Emile Zola.
  • Téléfilm français de Thierry Binisti, 2007 : "Moi, Louis, enfant de la mine" diffusé sur France3.
  • Pietragalla Compagnie : Ballet création contemporaine, "Conditions Humaines", 2006, évocation du monde de la mine et allégorie de la condition des mineurs. La danse questionne l'identité et la mémoire collective. A l'initiative de la Région Nord Pas de Calais, inspirée de la catastrophe des mines de Courrières de 1906.
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